ET SI ON DÉPOUSSIÉRAIT…

Quand on sait le temps que prend un ouvrage tricoté, quand maille après maille on réussit au bout de plusieurs heures à confectionner un bonnet, une écharpe, et pour les plus tenaces, un pull, un manteau, un plaid, on n’a qu’une envie: le porter, l’offrir, le mettre dans un coin de l’armoire et dans les rares cas le vendre, très souvent en dessous de son prix réel.

Mais si à la fin du chef d’oeuvre et malgré tout le temps qu’on y a consacré, on se disait : « je ne suis qu’au début, maintenant il faut terminer ». Cela rendrait à coup sûr le crochet plus moderne, plus attrayant, plus populaire.

Renover, c’est le choix que j’ai fait.

Quand on prononce le mot tricot, on voit laine et coton. Mais le tricot est un art au même titre que la peinture, le tissage, la tapisserie. Par contre, il semble toujours rélegué au second plan. Pour la plus part c’est juste une activité réservée aux mamies. Moi j’ai toujours été fascinée par le tricot. Si j’ai parfois utilisé les aiguilles, j’ai définitivement et très vite adopté le crochet car je trouve qu’avec le crochet, l’ouvrage monte vite et on assemble les morceaux plus facilement. D’ailleurs quand on utilise les aiguilles, parfois on fait l’assemblage au crochet. En outre le rendu au crochet ne laisse aucun doute sur sa réalisation à la main, ce qui n’est pas toujours le cas avec les aiguilles qu’on a parfois tendance à confondre avec les réalisations industrielles

Je tricote depuis l’âge de dix ans, en autodidacte, et avec l’aide de ma maman qui m’a appris à lire les patrons. Pourtant, j’ai aussi appris et assimilé les bases de la couture, les boutonnières, la broderie, le point de croix, le bourdon, j’ai même réalisé et vendu des tableaux brodés alors que je n’avais même pas encore quinze ans.

Mais j’ai toujours été plus attirée par le crochet. Donc le crochet n’est pas un art réservé aux grand-mères. Il suffit juste d’essayer de le rendre plus usuel et plus attractif. Il n’est pas toujours facile de porter de la laine ou du coton. La laine fait écho au froid et il ne fait pas froid toute l’année. Quand on vit dans un pays chaud, le tricot devient forcement inutile. Un maillot de bain en coton n’est pas toujours l’idéal.

Mon principal handicap dans mes boutiques est qu’on ne peut vendre qu’en hiver, à moins d’être dans les pays de grand froid, mais encore…

Mon but est d’essayer de réaliser des créations intemporelles, en touchant un large éventail de domaines, ainsi je pourrais rendre le crochet pratique et usuel au quotidien.

Pour cela, il faudra un peu sortir des codes en changeant de matériau, en customisant, en accessoirisant.

Le crochet procure beaucoup de bienfaits, c’est un art très apaisant, relaxant et gratifiant. C’est un art qui cultive le sens de la patience et de la résilience. Moi qui suis une grande insomniaque, le crochet m’a sauvée, je me lève presque systématiquement la nuit pour tricoter quand le marchand de sommeil se fait désirer au lieu de me tourner dans le lit à me faire des idées noires ou d’avaler des somnifères.

Par contre quand on tricote beaucoup comme moi, en moyenne huit par jour, il faut adopter une bonne posture, bien se caler dans son fauteuil, avoir les épaules basses et relâchées et se lever toutes les heures pour d’étirer et marcher un peu.

Mon ambition serrait d’emmener les jeunes à aimer le crochet, en proposant des formations et en touchant un maximum de personnes pour que cet art devienne un métier pour lequel on peut en vivre.

Je pense beaucoup plus aux personnes à mobilité réduite qui peuvent ainsi se reconvertir et avoir un réel métier en restant dans leur fauteuil.